Je crois que je suis amoureuse de toi...

J'étais désemparée, même presque choquée. Puis, le calme est revenu, et mes idées se sont précisées. Un corbeau. Pourquoi un corbeau ? J'avais du mal à comprendre ce qu'un corbeau pouvait avoir en commun avec lui. Un corbeau pour la liberté, je comprenais. Un corbeau était libre, libre de voler où il voulait, libre de dormir où il voulait, libre de crier sur qui il voulait. Mais un corbeau pour le symboliser, j'avais du mal à voir, ou ne serait-ce qu'entrevoir un rapport.

- Tu ne ressembles pas à un corbeau. 

- Qu'est-ce que tu en sais ? J'y ressemble bien plus que tu ne le penses.

- Ce que je pense ? Tu ne sais pas ce que je pense. Même si on ne se connaît pas bien, j'ai un avis bien tranché sur toi.

Son visage s'est décomposé.

- Eh bien dis moi ce que tu penses. Quel est ton avis ? a-t-il demandé d'un ton agressif.

J'ai inspiré profondément, réfléchissant à ce que j'allais dire et comment j'allais le dire. Puis je me suis lancée.

- Tu es très froid à l'extérieur. Tu parais... en colère, plein de rancoeur contre quelque chose qui me dépasse. Quelque chose d'injuste, triste et compliqué. Tu es renfermé et assez maussade, tu ne vas pas vers les autres. Au début, je ne voulais pas te connaître ou te parler. Je crois que j'avais... peur. Peur de ce que tu pourrais faire, ou dire. Le jour où tu es passé à travers la fenêtre, je me suis même dit que je ne t'aimais pas beaucoup, et que ça ne changerais sûrement pas. Et puis on s'est revus, reparlé, on s'est un peu rapprochés, et j'ai appris petit à petit à te connaître. Je suis allée voir sous le paraître, et l'être que j'ai vu m'a surprise. J'ai découvert que sous ces apparences amères se cachait une personne beaucoup plus expressive. J'ai découvert quelqu'un de gentil, quelqu'un d'attentionné, quelqu'un qui sait écouter et guider, qui sait t'empêcher de faire des erreurs stupides. J'ai aussi vu une personne incroyablement forte, capable de surmonter des drames inimaginables, et d'en tirer une morale. Tu es quelqu'un de bien, Ethan, voilà ce que je pense. Et je crois aussi que je suis amoureuse de toi.

Son visage est resté inexpressif. Ses yeux me transperçaient d'un regard que je n'arrivais pas à déchiffrer ou à identifier. Il est resté comme ça, debout et immobile devant moi. On aurait dit qu'il s'était arrêté, comme si on avait appuyé sur la touche pause de la télécommande. En face de lui, j'attendais, tendue comme un arc, incapable bouger moi non plus. J'attendais une réaction, quelle qu'elle soit. Un signe, un geste, un coup, un mot, quelque chose, n'importe quoi. Un quelque chose qui ne venait pas.